Des normes religieuses qui déterminent les noms qui sont déconseillés
Shaykh Mohamed Ali Ferkous (حفظه الله)
Question :Chez nous, dans nos us et coutumes, il y a des noms qu’on donne aux nouveaux-nés à l’occasion d’une fête religieuse et saisonnière, en guise d’optimisme ; comme le nom « ‘Âchoûr » quand le jour de la naissance survient au dixième jour du mois d’Al-Mouharram ; « Rabî‘» quand le printemps arrive, « Mouloûd »à l’occasion de la naissance du Prophète صلَّى الله عليه وسلَّم, « Cha‘bân », « Ramadân » et « Al-‘Îd ».
Est-il permis de donner de tels noms s’ils sont liés à ces occasions ? Sont-ils des noms légaux, qu’il est permis de donner aux nouveaux-nés sans que cela ne soit lié aux périodes évoquées ? Y a-t-il une base ou une norme religieuse qui constitue une référence pour définir les noms interdits ? Pouvons-nous avoir une fatwa sur cela, et qu’Allâh vous récompense ?
Réponse :Louange à Allâh, Maître des Mondes ; et paix et salut sur celui qu’Allâh عزّ وجلّ a envoyé en miséricorde pour le monde entier, ainsi que sur sa Famille, ses Compagnons et ses Frères jusqu’au Jour de la Résurrection. Cela dit :
Il est bien connu que les prénoms, les surnoms et les Kounâ (1) sont du domaine des coutumes et des relations humaines, et la base dans ce sujet est la licéité et la permission. On ne contredira cette base que si une preuve vient entraîner son empêchement et son interdiction. Parmi les caractéristiques des prénoms qui font exception à la règle et qui sont interdits ou détestés, on trouve ce qui suit :
Ce qui comporte le fait d’associer à Allâh, comme nommer quelqu’un «‘Abd » d’autre qu’Allâh (« serviteur » ou « esclave » ou « adorateur ») ; par exemple : ‘Abd Al-‘Ouzzâ (serviteur d’Al-‘Ouzzâ), ‘Abd Al-Ka‘ba (adorateur de La Ka‘ba), ‘Abd Houbal (serviteur de Houbal), ‘Abd Ar-Raşoûl (serviteur du Messager), ‘Abd Az-Zouhayr (serviteur d’Az-Zouhayr).
Ce qui est propre à Allâh et qui ne convient qu’à Lui, comme : Ar-Rahmâne, Al-Qouddoûs, Al-Mouhaymin, Al-Khâliq. On peut y assimiler : Malik Al-Amlâk (le roi des rois) (2) et Qâdî Al-Qoudât (le juge des juges).
Les noms des démons, comme : ’Iblîs, Chaytân, Al-A‘war, Al-Walhân, Khinzab.
Les noms des pharaons et des tyrans, comme : Fir‘awn, Hâmân, Qâroûn.
Les noms qui sont propres au Coran, comme : Fourqâne.
Les noms qui sont propres aux mécréants, comme : Georges, Paul, Patrice, Yoûghourta, Maşinişa.
Les noms qui comportent un éloge, comme : Barra (pieuse) (3), Îmân (foi), Islâm, Abrâr (pieux), Taqwâ (crainte d’Allâh ou piété) ; de même que les surnoms comme : Mouhyî Ad-Dîn (« le revivificateur de la religion »), ‘Imâd Ad-Dîn, Roukn Ad-Dîn (le pilier de la religion), car, cela comporte éloge et mensonge. En font partie, également, les nouveaux surnoms qui désignent un signe miraculeux, comme : Houdjdjat Allâh (argument d’Allâh), Âyat Allâh (signe d’Allâh), Bourhân Ad-Dîn (la preuve de la religion), Houdjdjat Al-Islâm (l’argument de l’Islam). Car les Messagers sont le seul argument d’Allâh pour Ses créatures. En fait partie, également, le fait de s’appeler : Sayyid An-Nâs (le seigneur des gens), Sayyid Al-‘Arab (le seigneur des Arabes), Sayyid Al-‘Oulamâ’ (le seigneur des savants), Sayyid Al-Qoudât (le seigneur des juges).
Les noms comportant un blâme, ou un mauvais qualificatif , comme : Hazn (difficile), Chihâb (météore), Dhâlim (oppresseur), Nâhid (4) (femme aux seins volumineux), Ghâda (5) (femme belle et gracieuse), Kâhin (devin) et Kâhina, Djahannam (géhenne), Sa‘îr (fournaise), Saqar, Houtama, ‘Âsiya (6) (désobéissante), Al-A‘war (le borgne), Al-Abras (le lépreux), Al-Adjrab (le galeux), Al-A‘mache (qui a les yeux chassieux), etc.
Les noms dont la négation signifie pessimisme, comme : Nadjîh (qui a du succès), Baraka (bénédiction), Aflah (plus réussi), Yaşâr (facilité, aisance), Rabâh (gain) (7).
Il est détesté de porter les noms des anges, comme : Djibrîl, Mîkâ’îl, Isrâfîl, car ce sont des noms qui sont spécifiques à eux. Cela devient interdit quand on donne aux filles les noms des anges, comme : Malâk (ange), Malaka (“ange” au féminin), car cela ressemble à la pratique des polythéistes qui faisaient des anges les filles d’Allâh.
Si les noms sont exempts des caractéristiques des noms interdits et détestés que nous venons d’expliquer, je ne vois pas ce qui ferait sortir les noms des mois, des occasions religieuses et des saisons de la base qui est la permission, si l’on veut simplement distinguer une personne des autres pour une coïncidence et une conformité dans le temps.
Si, par contre, ces noms sont en rapport avec un culte blâmable ou une croyance incorrecte, ils seront interdits pour ces raisons.
Aussi, c’était une habitude chez les Arabes de donner à leurs enfants des noms de choses inertes, d’animaux ou de certains mois, comme : Djabal (montagne), Safwân (pierre lisse), Sakhr (roche), Dja‘far (ruisseau), Badr (pleine lune), Qamar (lune), Nadjm (étoile), Thourayyâ (lustre) ; ou pour les noms d’animaux : Aşad (lion), Layth (lion), Fahd (guépard), Tha‘lab (renard) ; ou pour les noms des mois : Ar-Rabî‘ (8) comme : Sa‘d ibn Ar-Rabî‘ (9) et Aboû Al-‘Âs ibn Ar-Rabî‘ (10). Ils voulaient, par ces noms, distinguer premièrement la personne des autres, et deuxièmement, que la relation entre le nom et le caractère se réalisera, dans le futur, dans le comportement de l’enfant. Ces caractères sous-entendaient de belles et grandes significations, telles que la force, le courage, la haute position, l’organisation, la réflexion, la loyauté, la solidité, la grandeur d’âme, l’intégrité et autres qualités dont l’homme a besoin en situation de puissance ou de guerre.
Cette relation entre le nom et le caractère ou la réalité de l’individu se retrouve dans les paroles du Prophète صلَّى الله عليه وسلَّم. Ainsi, il est dit que le Prophète صلَّى الله عليه وسلَّم a attribué la Kounya d’« Aboû Hourayra » (père d’une petite chatte) à ‘Abd Ar-Rahmâne ibn Sakhr Ad-Dawsî رضي الله عنه ; et ce qui est connu est que ce dernier s’est vu attribué cette Kounya parce qu’il avait recueilli les petits d’une chatte en les prenant dans sa manche (11). Le Prophète صلَّى الله عليه وسلَّم a aussi surnommé Khâlid ibn Al-Walîd رضي الله عنه (une épée parmi les épées d’Allâh) (12), liant ainsi une créature au Créateur parce que Khâlid était assidu au combat dans le sentier d’Allâh, et ainsi de suite.
Il convient de dire que même si la base dans les noms est la permission, il est demandé aux pères de donner de beaux noms à leurs enfants, car, au Jour du Jugement, ils seront appelés par leurs noms et les noms de leurs pères, comme l’a rapporté Ibn ‘Oumar رضي الله عنهما du Prophète صلَّى الله عليه وسلَّم qui a dit :
« Le traître se verra dresser un drapeau au Jour de la Résurrection ; on dira : “Voici la trahison d’untel fils d’untel”.» (13) Al-Boukhârî ـ رحمه الله ـ lui a consacré un chapitre intitulé Chapitre sur le fait que les gens seront appelés par leurs pères. Et il ne fait aucun doute que
« les noms préférés d’Allâh sont : ‘Abd Allâh et ‘Abd Ar-Rahmâne » (14) et tout nom qui est attribué à Allâh est meilleur et plus préférable.
Le savoir parfait appartient à Allâh سبحانه وتعالى, et notre dernière invocation est qu’Allâh, Seigneur des Mondes, soit Loué et que prière et salut soient sur notre Prophète, ainsi que sur sa Famille, ses Compagnons et ses Frères jusqu’au Jour de la Résurrection.
Alger, le 9 de Safar 1431 H
correspondant au 24 janvier 2010 G.
Notes :
(1) Kounya (le singulier de Kounâ) est un surnom qui commence par Aboû (père de) pour l’homme ou Oum (mère de) pour la femme, suivi d’un nom ou qualificatif.
(2) Dans le hadith d’Aboû Hourayra رضي الله عنه, le Prophète صلَّى الله عليه وسلَّم a dit :
«L’homme contre qui Allâh sera le plus en colère au Jour de la Résurrection, le plus mauvais et celui qui lui causera le plus de colère est un homme qui s’appelle le roi des rois ; il n’est de Roi [véridique] qu’Allâh !» Rapporté par : Al-Boukhârî (6205), Mouslim (2143), Aboû Dâwoûd (4961) et At-Tirmidhî (2837), d’après Aboû Hourayra رضي الله عنه.
(3) Il est dit dans les deux Sahîh
«qu’il a changé le nom de Barra [pieuse] par Zaynab» qui est Zaynab bint Djahch. Rapporté par Al-Boukhârî (6192) et par Mouslim (2141), d’après Aboû Hourayra رضي الله عنه.
(4) Nâhid : C’est la femme dont les seins se sont formés et s’élèvent sur sa poitrine de sorte à être volumineux. Cf. : Al-Mou‘djam Al-Waşît (2/957).
(5) Ghâda : C’est la femme douce et délicate dont la délicatesse est apparente. Cf. : Al-Mou‘djam Al-Waşît (2/667) et Fath Al-Bârî d’Ibn Hadjar (10/576).
(6) Il est rapporté authentiquement d’Ibn ‘Oumar que
« Le Prophète صلَّى الله عليه وسلَّم a changé le nom de ‘Âsiya et lui dit : “Ton nom [maintenant] est : Djamîla [belle].”» Rapporté par : Mouslim (2139), Aboû Dâwoûd (4952), At-Tirmidhî (2838) et par Al-Boukhârî dans Al-Adab Al-Moufrad (820), d’après Ibn ‘Oumar رضي الله عنهما.
(7) Il est rapporté authentiquement de Samoura ibn Djoundoub رضي الله عنه que le Prophète صلَّى الله عليه وسلَّم a dit :
«Ne prénomme ton fils ni Rabâh, ni Yaşâr, ni Aflah, ni Nâfi‘. » Rapporté par : Mouslim (2136), Aboû Dâwoûd (4958), At-Tirmidhî (2836) et Ahmad (20078), d’après Samoura ibn Djoundoub رضي الله عنه.
(8) Ce nom est dérivé de l’expression «Arba‘ati Al-Ardou» qui veut dire «la terre est fertile». Le printemps est la saison où les raisins et les légumes deviennent mûrs et la pluie survient. Pendant cette saison, les Arabes nomades s’installaient dans le lieu de leur passage.
(9) C’est le Compagnon Sa‘d ibn Ar-Rabî‘ Al-Ansârî Al-Khazradjî Al-Badrî An-Naqîb رضي الله عنه. Le Prophète صلَّى الله عليه وسلَّم avait établi un lien fraternel entre lui et ‘Abd Ar-Rahmâne ibn ‘Awf رضي الله عنه. Il est mort martyr le jour d’Ouhoud. Cf. : Al-Istî‘âb d’Ibn ‘Abd Al-Barr (4/145), Siyar A‘lâm An-Noubalâ’ d’Adh-Dhahabî (1/318) et Al-Isâba d’Ibn Hadjar (1/144).
(10) C’est le Compagnon Aboû Al-‘Âs ibn Ar-Rabî‘ Al-Qourachî, le gendre du Prophète صلَّى الله عليه وسلَّم, époux de sa fille Zaynab رضي الله عنها. Il est le père d’Oumâma رضي الله عنها que le Prophète صلَّى الله عليه وسلَّم portait en Salât, et le neveu de la Mère des croyants, Khadîdja bint Khouwaylid رضي الله عنها. Sa mère était Hâla Bint Khouwaylid رضي الله عنها. Il est mort en l’an 12 de l’hégire. Cf. : Siyar A‘lâm An-Noubalâ’ d’Adh-Dhahabî (1/330).
(11) Cf. : Siyar A‘lâm An-Noubalâ’ d’Adh-Dhahabî (2/579) et Tahdhîb At-Tahdhîb d’Ibn Hadjar (12/263). At-Tirmidhî a rapporté dans Al-Manâqib (5/686), d’après ‘Abd Allâh ibn Râfi‘ qui a dit :
«J’ai dit à Aboû Hourayra : “Pourquoi as-tu été surnommé Aboû Hourayra ?” Il dit : “N’as-tu pas peur de moi ?” Je dis : “Si, par Allâh, je te crains.” Il dit : “Je gardais les moutons de ma famille et j’avais une petite chatte que je posais la nuit dans un arbre, puis, quand venait le jour, j’allais jouer avec elle ; ils m’ont, donc, surnommé Aboû Hourayra.”» Al-Albânî l’a déclaré haşane (bon) dans Sahîh At-Tirmidhî (3840).
(12) Rapporté par Al-Boukhârî (3757), d’après Anas رضي الله عنه.
(13) Rapporté par : Al-Boukhârî (6177) et Mouslim (1735), d’après Ibn ‘Oumar رضي الله عنهما.
(14) Rapporté par : Mouslim (2132) et Aboû Dâwoûd (4949), d’après Ibn ‘Oumar رضي الله عنهما.
Source :
http://ferkous.com/home/?q=fr/art-mois-fr-51