Les interdits liés à l’Ihrâm
Sheïkh Mohammed ibn Sâlih el ‘Uthaïmîn
Les interdits (Mahdhûrât) de l’Ihrâm correspondent aux actions que le pèlerin doit s’abstenir de commettre au cours de l’Ihrâm (l’état de sacralisation). Ces derniers se répartissent en trois catégories : · La première catégorie concerne indifféremment les hommes et les femmes,
· La deuxième catégorie concerne les hommes indépendamment des femmes,
· La troisième catégorie concerne les femmes indépendamment des hommes.
Les interdits liés à la première catégorie : 1- Se raser ou se couper les cheveux de la tête. Les poils du corps selon l’opinion la plus répandue des savants ont le même statut que les cheveux. Cependant, il est possible de se débarrasser des cheveux ou des poils qui portent préjudice de sorte que le seul moyen de s’épargner de cette nuisance est de s’en débarrasser. Dans ce cas, il est permis de le faire sans que le pèlerin n’ait aucun grief à son encontre. Ce dernier peut également se gratter la tête avec modération et si des cheveux chutent sans le faire exprès, il n’a rien non plus à son encontre.
2- Se mettre du parfum sur le vêtement ou le corps après s’être sacralisé. Il est possible toutefois de se parfumer le corps avant d’entrer en sacralisation sans qu’il n’y ait d’inconvénient à ce que ses effets persistent au cours de l’Ihrâm. Il est interdit en effet de se mettre du parfum en état d’Ihrâm mais sentir encore le parfum pendant l’Ihrâm est permis. Dans ce registre, il n’est pas permis au pèlerin de boire du café mélangé au safran qui est une forme de parfum, sauf si le goût et l’odeur se sont évaporés avec la cuisson et bien qu’il en reste encore la couleur.
3- Regarder ou toucher une personne de l’autre sexe avec jouissance.
4- Porter des gants.
5- Chasser du gibier qui correspond à tuer un animal sauvage que l’homme a le droit de manger comme le lézard du désert, le lapin, le pigeon, et même les sauterelles ou les crickets. Il est permis toutefois pour le pèlerin de pêcher du poisson et de tuer un animal domestique à l’exemple de la poule. Si des sauterelles se trouvent sur son chemin et qu’il n’y a aucun moyen de les éviter, il ne lui sera fait aucun grief s’ils en écrasent involontairement quelques-unes. Ceci, car il ne peut faire autrement et que son intention n’est pas de les tuer.
Au demeurant, il n’est pas interdit de couper une branche ou une feuille d’un arbre ; cela n’a aucune influence sur l’état de sacralisation. Cette interdiction s’applique à tout le périmètre de la ville Sainte et celle-ci concerne aussi bien les pèlerins que les non-pèlerins. Ainsi, il est autorisé de toucher aux arbres de ‘Arafa, qui n’entre pas dans le périmètre sacré contrairement à Mouzdalifa et à Mina qui appartiennent au territoire sacré. Si le pèlerin arrache involontairement une branche d’un arbre, il n’aura rien à son encontre. Cette interdiction ne concerne pas les arbres morts qu’il est permis de couper.
Quant aux interdits qui frappent les hommes indépendamment des femmes, ceux-ci sont au nombre de deux : 1- Porter des vêtements cousus qui correspondent aux habits ou autre qui épousent généralement la forme du corps comme le Qamîs (chemise), le pull, et le pantalon. Il n’est donc pas permis à l’homme en état d’Ihrâm de porter normalement ce genre de vêtements. Il peut toutefois s’en servir sans les enfiler en portant par exemple son Qamîs sur les épaules ou son manteau en le renversant. Il n’y a pas d’inconvénient non plus à porter un haut de l’Ihrâm (Ridâ) ou un bas (Izâz) raccommodé ou en une seule pièce. Il est possible également de porter une ceinture, une montre, des lunettes ou encore de faire tenir son habit avec des épingles ou autre étant donné que le Prophète (r) n’a pas interdit ce genre de choses. Rien ne prouve au niveau du sens des Textes une telle interdiction. Par contre, lorsqu’on interrogea le Législateur (r) au sujet de l’habit du pèlerin, il ne fit que répondre :
« Il ne porte pas de Qamîs, de ‘Imâma (turban), de Sarâwîl (pantalon), de Burnûs (manteau), et de chaussons. » À la question de savoir ce qu’il doit porter, il a répondu par ce qu’il ne doit pas porter ; cela démontre qu’il est possible de mettre toute sorte de choses qui ne figurent pas dans cette liste. Le Prophète (r) a par ailleurs autorisé au pèlerin de vêtir des chaussons en absence de sandales, car se protéger les pieds est un besoin. De la même façon, il est alors autorisé de porter des lunettes qui protègent les yeux. Selon l’opinion la plus répandue de notre École, les légistes autorisent notamment à l’homme de porter un anneau en état d’Ihrâm. S’il ne trouve pas d’Izâr ou s’il n’a pas les moyens d’en acheter, le pèlerin peut porter un pantalon de la même façon qu’il peut porter des chaussons s’il n’a pas de chaussures et s’il n’a pas les moyens de les acheter conformément au Hadith d’ibn ‘Abbâs (t), selon lequel le Prophète (r) a déclaré lors de son sermon de ‘Arafa :
« Celui qui ne trouve pas de sandales peut porter des chaussons et celui qui ne trouve pas d’Izâr peut porter un Sarâwîl. » 2- Se couvrir la tête avec un turban, une ‘Ghutra (keffieh), une Tâqiya (calotte), etc. il n’y a pas d’inconvénient à se couvrir avec quelque chose qui ne s’appuie pas directement sur la tête comme une tente, une ombrelle, le toit d’une voiture ; il est interdit en effet de se couvrir la tête non de se mettre à l’ombre. Selon le Hadith d’Ûm el Husaïn el Ahmasiya, cette dernière explique :
« Nous étions avec le Prophète (r) lors du Pèlerinage de l’Adieu. Je l’ai vu au moment du « jet de pierre » à Jamra el ‘Aqaba. Il s’est éloigné en compagnie de Bilal et d’Usâma. Ensuite, alors qu’il se tenait sur sa monture ; l’un la conduisait et l’autre tenait un vêtement au-dessus de la tête du Prophète (r) pour le couvrir du soleil. » Une autre version précise :
« Il l’a couvert contre la chaleur du soleil jusqu’à ce qu’il ait lancé à Jamra el ‘Aqaba. » Rapporté par Muslim et Ahmed. Cette scène a eu lieu le jour de l’Aïd avant que le Prophète (r) se soit désacralisé étant donné qu’il a effectué les autres lancers de pierre à pied et non sur sa chamelle. Il est également permis au pèlerin de porter des affaires sur sa tête si son intention n’est pas de se la couvrir, comme il peut également plonger la tête sous l’eau.
Quant aux interdits qui frappent les femmes indépendamment des hommes : Il est spécifiquement interdit aux femmes de se voiler le visage avec un Niqab qui couvre une partie du visage en laissant les yeux à l’air libre afin de lui permettre de voir. Certains savants avancent cependant que l’interdiction ne porte pas uniquement sur le Niqab, mais qu’elle englobe n’importe quel voile recouvrant le visage, sauf dans la situation où des hommes venaient à passer devant une femme ; dans ce cas, il lui est imposé de se couvrir le visage sans n’avoir aucune compensation à sa charge, que son voile vienne à toucher la peau ou non.
Une personne enfreint un interdit dans trois cas différents : Premièrement : il y a le cas où la personne enfreint un interdit sans excuse valable et pour aucune raison. Le cas échéant, elle est passible d’un péché et elle est soumise à une compensation.
Deuxièmement : il y a le cas où elle l’enfreint pour une raison quelconque, par exemple si elle a besoin de porter un vêtement en raison du froid ou si elle craint pour elle-même. Dans ce cas précis, elle peut le faire, mais elle doit compenser malgré tout cette action comme ce fut le cas pour Ka’b ibn ‘Ajwa (t) qui reçut la permission du Prophète (r) de se raser la tête étant donné que les poux lui rongeaient les cheveux et le visage.
Troisièmement : il y a le cas où la personne ayant enfreint un interdit bénéficie d’une circonstance atténuante : par ignorance, oubli, inconscience ou contrainte. Le cas échéant, elle n’est ni est passible d’un péché ni elle est soumise à une compensation conformément au Verset suivant : (Il ne vous sera pas tenu compte de vos erreurs, mais de ce que vos cœurs éprouvent consciemment ). Le Très-Haut dit également :
(Seigneur ! Ne nous tiens pas rigueur de nos oublis et de nos erreurs ). À Allah de répondre : « Je m’y engage ! » Le Prophète (r) nous apprend également à travers un Hadith :
« Allah ne tient pas rigueur à ma communauté des actes faits par erreur, par oubli, et sous la contrainte. » Ces textes englobent notamment les fautes, au cours de la sacralisation, commises par erreur, par ignorance, ou sous la contrainte. Allah (I) décrète concernant spécialement l’un des interdits de l’Ihrâm qui consiste à chasser du gibier :
(Ô croyants ! Ne tuez pas du gibier alors que vous êtes en état de sacralisation. Quiconque parmi vous tue consciemment un animal devra en compensation offrir une bête équivalente ). Cette compensation incombe au fautif dans la condition où ce dernier l’ait fait intentionnellement ; l’acte intentionnel correspondait parfaitement à l’obligation de se soumettre à une compensation. Il est tout à fait adéquat pour devenir ici le critère de considération, dans le sens où la faute non intentionnelle n’est pas soumise au péché ni à aucune compensation.
Or, à partir du moment où la personne se réveille, n’est plus soumise à la contrainte, se souvient ou apprend qu’elle ait commise une erreur, elle n’aura plus d’excuse et devra immédiatement cesser son erreur. Si elle persiste dans la faute alors qu’elle n’est plus excusable, elle sera passible d’un péché et sera soumise à une compensation. Par exemple, si un homme se couvre la tête au cours de son sommeil, il n’aura aucun grief à son encontre mais dès son réveil, il devra se découvrir la tête sur-le-champ. S’il persiste à se la couvrir en sachant pertinemment que cela lui est interdit, il devra expier sa faute.
En cas de violation de l’un des interdits que nous avons précédemment énumérés, la compensation correspondante se décompose de la façon suivante : 1- Concernant le fait de se couper les cheveux et les poils du corps, se parfumer, toucher sa femme avec envie, porter des gants, et pour les hommes uniquement porter des vêtements cousus et se couvrir la tête, et enfin porter le Niqab pour la femme ; la compensation correspondante consiste au choix pour chacun de ces interdits à :
-soit égorgé un mouton,
-soit nourrir six pauvres soit jeûner trois jours.
Le mouton à immoler doit être adulte qu’il soit un mâle ou une femelle, selon les mêmes critères que l’Udhhiya (le sacrifice de l’Aïd) ; il est possible de choisir un septième d’un chameau ou d’une vache. Il faudra distribuer toute la viande aux pauvres sans rien en manger.
Si l’on choisit de nourrir six pauvres, il incombe de donner à chaque pauvre la moitié d’un Sa’ de nourriture que l’on consomme habituellement comme les dattes, le blé, etc.
Si l’on choisit de jeûner, il faut le faire pendant trois jours qu’ils soient au choix consécutif ou non.
2- Concernant la chasse: si le gibier dispose d’un équivalent, trois possibilités se présentent alors :
-Il est possible d’égorger une bête équivalente et de distribuer toute sa viande aux pauvres de La Mecque ;
-Il est possible également d’évaluer en argent cette bête équivalente et de convertir la somme correspondante en nourriture afin de distribuer à chaque pauvre la moitié d’un Sar de nourriture ;
-Il est possible enfin de jeûner un nombre de jours équivalent au nombre de pauvres à nourrir.
Si le gibier ne dispose pas d’équivalent, on pourra choisir l’une des deux options suivantes :
-On peut soit évaluer le prix de l’animal tué et de le convertir ensuite en nourriture afin de le distribuer aux pauvres en veillant à donner à chacun d’entre eux la moitié d’un Sa’ de nourriture,
-Soit jeûner un nombre de jours équivalent au nombre de pauvres à nourrir.
Si quelqu’un tue un pigeon par exemple dont l’équivalent est un mouton, nous disons que le fautif à le choix entre soit égorger un mouton, soit évaluer le mouton en argent afin de distribuer la somme correspondante aux pauvres habitants de la Mecque et en veillant à donner à chacun d’entre eux la moitié d’un Sa’ de nourriture ou soit de jeûner un nombre de jours équivalent au nombre de pauvres à nourrir.
Dans le cas où l’animal tué volontairement n’a pas d’équivalent en offrande comme la sauterelle ou le cricket, le fautif peut soit convertir son équivalent en nourriture en faveur des pauvres habitants de la Mecque en veillant à donner à chacun d’entre eux la moitié d’un Sa’ de nourriture, soit jeûner un nombre de jours équivalent au nombre de pauvres à nourrir.
Que les prières d’Allah et Son Salut soient sur Mohammed, ainsi que sur ses proches, et tous ses Compagnons !
Extraits de : El Manhaj Li Murîd el ‘Umra wa el Hadj de Sheïkh Mohammed ibn Sâlih el ‘Uthaïmîn (p. 29-35).
Traduit pour Islamhouse par : Karim ZENTICI
Publié par Le bureau de prêche de Rabwah (Riyadh)